Eugène Pittard entre anthropologie et eugénisme
par Carole Reynaud-Paligot
L’anthropologie, véritable « sciences des races » selon un de ses initiateurs Paul Broca, s’institutionnalisa en Europe quelques décennies avant l’arrivée d’Eugène Pittard dans le champ scientifique. C’est en effet dans la seconde moitié du XIXe siècle que furent créées en Europe des sociétés et des écoles d’anthropologie, qu’apparurent des cours au sein des universités et que se forma une communauté savante publiant des ouvrages et des revues spécialisées. Pittard apparaît comme un représentant tardif de l’anthropologie de la fin du XIXe siècle, tout en se montrant ouvert à la modernité scientifique. Il fut en effet capable de mener de front des études d’anthropologie physique – il effectua de très nombreuses mensurations anthro-pométriques –, des études d’ethnographie mais aussi de préhistoire. La publication de plus de quatre cents articles scientifiques et de plusieurs ouvrages lui assura une renommée internationale.
Anthropologue animé d’une logique classificatoire, Pittard fut aussi ouvert à l’évolution scientifique de son temps puisqu’il s’adonna dès la fin des années 1920 aux études sérologiques avec l’espoir de trouver, grâce aux groupes sanguins, un nouveau critère de classification raciale. Il fut aussi très intéressé par l’eugénisme et prit une part active à son développement dans l’entre-deux-guerres.
Ses écrits et sa correspondance déposée au MEG nous révèle un personnage complexe, grand travailleur, capable de mener de front des recherches dans plusieurs domaines, très inséré dans les réseaux scientifiques, mais aussi oeuvrant en faveur de la paix au sein de la Société des nations et, en même temps, s’engageant, durant l’entre-deux guerres, en faveur de l’eugénisme.